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Henri Boguet

Henri Boguet 
grand juge de la terre
de Saint-Claude

Discours_exécrable_des_sorciers_Boguet_Henry
Article Est Republicain du 25 octobre 2023

Dernièrement, dans un article de l’Est républicain, du 25 octobre 2023, un ancien juge de Saint-Claude déconsidère aisément Boguet et lui reproche ses « stupidités ». Pire, sur les réseaux sociaux, le photographe B. à la Guillaume traite de psychopathe Henri Boguet en raison des sentences de mort prononcées de 1598 à 1604 et de l’écriture de son Discours. Une ancienne ministre, Dominique Voynet, autrefois docteure es médecine relaie ces idées, sans connaître ni le juge ni l’histoire précise de la répression de la sorcellerie en Franche-Comté ! Il est urgent de corriger de tels préjugés proférés par des personnes ignorant le sens des mots.

 

Que sait-on vraiment d’Henri Boguet ?

Même s’il est le plus célèbre des juges comtois, sa vie reste méconnue en raison de la disparition d’archives relatives à sa famille. Né 1550, à Pierrecourt (70) , dans une famille bourgeoise, il a été voué à saint Claude (+695), suite à une guérison miraculeuse. Il étudie le droit à l’Université de Dole, obtient le grade de docteur et devient juge au bailliage de Gray. En 1598, l’archevêque Ferdinand de Rye le nomme Grand-Juge de la puissante et riche judicature de Saint-Claude et lui confie la lutte contre toutes les hérésies, principalement celle de la Réforme. Mais Henri Boguet semble plus sensible au danger de la secte diabolique. Secondé par plusieurs échevins et deux procureurs, il mène plusieurs procès en matière de sorcellerie et lycanthropie diabolique, contre des femmes mais aussi des hommes. Il consigne leurs aveux dans son Discours exécrable des sorciers, édité en 1602. En 1603, il y ajoute une  Instruction pour un juge, afin d’aider ses collègues à mener à bien de tels procès extraordinaires, puis en 1610, il complète son travail avec une troisième partie ou Six advis en faict de sorcellerie.

L’histoire en fait un monstre. Jules Michelet le qualifie « d’homme redoutable », sans se poser de question ! D’autres l’accusent d’avoir « fait de la Comté un désert », d’avoir brûler « plus de 600 sorciers » voir « 1500 » sans vérifier les archives. Même su Dom Benoît et Louis Duparchy rétablissent la vérité vers 1890, les rumeurs persistent jusqu’au 21e siècle, ce qui ne peut s’entendre. Oui, comme ses contemporains, Boguet a jugé et condamné avec les membres du tribunal de la cité, mais la réalité quantitative est toute autre. Il a mené 34 procès et ordonné la mort de 27 personnes, soit 27 de trop sans aucun doute pour nous. Mais son époque n’est pas la notre ! Au risque de choquer, il faut admettre que le juge Boguet fut un jurisconsulte de valeur, qui croyait au diable, tout comme Jean Bodin, philosophe réputé. Bref, un homme ni pire ni meilleur que les autres juges comtois ou européens, un homme né au 16e siècle et mort au 17e siècle. Un homme entre deux siècles ! Et comme l’a si bien théorisé Lucien Febvre, célèbre historien des mentalités (+1956), jusqu’au 18e siècle, nos ancêtres croyaient aux sorcières, aux licornes, aux dragons, aux transformations d’un homme en un anima. Ils n’avaient pas le sens de l’impossible comme nous l’avons aujourd’hui. Pour étudier nos ancêtres, il faut impérativement se débarrasser de nos préjugés pour éviter tout mauvais jugement. Tant que sciences et raison n’ont pas permis d’expliquer ce qui semblait divin ou diabolique, nos ancêtres ont jugé selon les croyances de leur époque. L’Histoire requiert sagesse et retenue.

 

Pour en savoir plus, se reporter à mon livre :

La chasse aux sorcières. Erreur judiciaire ou complot misogyne / Cêtre, 2021.

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