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Habillé

Ma sorcière bien aimée !

Je me suis toujours demandée si ce sitcom n’était pas à l’origine de ma passion pour les sorcières !

En 1964, une série américaine, Bewitched surgit sur le petit écran. Son succès est immédiat, Son générique, en dessin animé présente une jeune femme voyageant sur un balai dans la nuit étoilée, clignant de l’œil en souriant et bougeant son petit nez ! Ce sitcom romantique met en scène la vie d’une jeune famille américaine. Le premier épisode relate la rencontre et le mariage entre Samantha, une jolie blonde aux yeux malicieux, mince, très élégante et Jean Pierre, un publicitaire doué mais peu sûr de lui et gaffeur. Un couple normal, voire idéal et représentatif de l’époque patriarcale : la femme au foyer et l’homme au travail. Sauf que ! Samantha n’a rien d’une femme normale, elle est qualifiée de bewitched, signifiant
«ensorcelée» ou «enchantée». Elle peut, en effet, grâce à ses pouvoirs « magiques », préparer le repas, faire le ménage, sauver la vie professionnelle de son mari ou même arrêter le temps, d’un simple petit mouvement du bout de son joli nez en trompette.

Honnête, elle a avoué son secret à Jean-Pierre, lequel lui demande de renoncer à ses pouvoirs et d’agir comme une vraie ménagère. Samantha oscille entre ces deux rôles et le couple est heureux, sauf que ! La mère de Samantha, Endora femme d’un sorcier, déteste les humains.

Elle refuse ce mariage et tente par d’incessants sortilèges de discréditer Jean-Pierre afin de le remplacer par un gendre « ensorcelé » ou « enchanté », venu du même monde que Samantha, un monde parallèle. Pauvre Jean-Pierre confronté à la rancœur d’Endora ! Mais heureusement l’amour le libère toujours des pouvoirs maléfiques de cette belle-mère acariâtre.

En 1966, la série sort en France, avec le même générique sous le titre Ma sorcière bien aimée. La naïveté de Jean Pierre, la rancœur d’Endora et la malice toujours très attentionnée de Samantha séduisent le public, qui rit, sourit ou compatit.

Samantha, cette jeune épouse et mère, cache bien son jeu. Elle n’a rien d’une femme cantonnée au foyer, dominée par un mari qui rapporte le salaire de la famille. Elle n’a rien d’une fille obéissant à sa mère, c’est au contraire une femme libre, qui affirme ses choix.

Le premier c’est d’avoir épousé Jean-Pierre, malgré les interdictions maternelles et peut être de le mener par le bout du nez ! Samantha fait ce qu’elle veut de sa vie et de son corps.

 

En ces années 60, c’est une féministe certes non déclarée, mais largement sous-entendue. Samantha, Ma sorcière bien aimée, tient en réalité plus d’une fée médiévale de type mélusinien que d’une sorcière maléfique. Comme Mélusine, créature puissante et avide de liberté, elle veut quitter son monde parallèle, où tout est inscrit d’avance pour intégrer le monde des humains. Malgré l’interdit pesant sur toute fée et une punition corporelle, Mélusine épouse Raymondin, qui semble posséder un cœur pour, elle lui donne des enfants, lui construit des châteaux, l’enrichit et le comble. Si leur amour est vif, il est aussi suspendu à un interdit. Mélusine a fait promettre à Raymondin de ne jamais la visiter dans la nuit du vendredi, mais hélas Raymondin trahit sa promesse. Il perd tout, Mélusine retourne à son monde féérique. Celle qui voulait devenir humaine n’a pu parvenir à ses fins, malgré sa bonté et sa fidélité. A l’époque, cette légende sert à convaincre du devoir de rester à sa place.

Samantha ressemble à certains égards à Mélusine, elle réclame sa liberté et s’en donne les moyens en désobéissant au système. Elle souhaite être heureuse en dehors de son monde originel, elle veut choisir son conjoint selon son propre désir. Tout comme Raymondin au début de la légende, Jean-Pierre possède un cœur pur mais il le garde à tout jamais, d’où le bonheur assuré malgré toutes les embuches. Ma sorcière bien aimée a détourné de nombreux clichés sexistes sans en avoir l’air ! Samantha est une rebelle, une féministe et une femme de pouvoir !

Voulez-vous voir le petit nez en trompette en action ?

Au bûcher les sorcières,
aux diables les femmes...

Article écrit par Claudine Monteil, autrice et diplomate, sur la chasse aux sorcières et publié dans l'Archicube n° 35, décembre 2023.

L’Archicube est la revue de l'ASSOCIATION DES ANCIENS ÉLÈVES, ÉLÈVES ET AMIS DE L’ÉCOLE NORMALE SUPÉRIEURE

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Qu'est ce que la démonologie ?

Démonologue ?

Un mot récent pour une pratique ancienne.

Le terme démonologue apparaît au 19e siècle, il désigne une personne étudiant les démons et leur histoire, soit la démonologie.

Auparavant, les spécialistes des démons traitent de la démonolâtrie (culte des démons) ou de la démonomanie (passion pour les démons).

Au 16e siècle, plusieurs juges publient des ouvrages relatifs au diable et à ses fidèles, les sorcières et les sorciers. Tous plaident en faveur de la peine de mort sur le bûcher, tant leurs crimes et leur hérésie sont néfastes à la société.

Parmi ces nombreux auteurs, Henri Boguet, Grand juge dans la terre de Saint-Claude de 1598 à 1616, publia un Discours exécrable des sorciers dès 1602.

Bienvenue à 
Mathilde Cabias

Etudiante en cinéma d'animation

Le sureau doit fleurir est un docu-fiction réalisé dans le cadre de la validation du DNMADE cinéma d'animation au service du réel à l'Institut Sainte Geneviève.

Ce film de fin d'étude réalisé par Mathilde Cabias en partenariat avec Brigitte Rochelandet relate la remise en question morale et religieuse d'une jeune paysanne franc-comtoise au XVIIe siècle tandis qu’une femme du village est suspectée de sorcellerie.

Le 20 novembre 2021, Besançon a mis à l’honneur la première accusée de sorcellerie brûlée dans le Comté de Bourgogne (aujourd’hui la Franche-Comté) au lieu dit « Chamars » le 7 mars 1434. Dans le contexte des manifestations liées au 25 novembre, jour de combat contre les violences faites aux femmes par les hommes, 587 ans plus tard, un buste réalisé par la sculptrice Anne-Valérie Dupont a été fixé sur le lieu même du bûcher. A travers le cas précis d’Henriette de Crans, cette œuvre rappelle la douloureuse de la chasse aux sorcières, survenue dans certaines régions d’Europe du 15e au 17e siècle et provoquant la mort d’environ 50 000 femmes et sans doute 10 000 hommes.

Qui était Henriette de Crans ? Très âgée, (+ de 70 ans), vivant seule dans une maison en pierre au cœur de la cité bisontine, Henriette est arrêtée suite à des rumeurs anonymes. Emprisonnée sur ordre de l’inquisiteur et du juge de l’archevêque, elle est interrogée, torturée et déclarée coupable. La cité organise son bûcher et invite toute la population à regarder mourir celle qui a quitté Dieu pour le Diable. Sans comprendre les raisons de sa condamnation, la vieille femme déambule dans les rues, avant d’être attachée sur le bûcher et mourir asphyxiée et brûlée vive. Suite à cette condamnation, et au développement de la peur du diable et de sa secte diabolique de plus en plus féminisée, la répression se durcit dans le Comté et provoque l’arrestation d’environ 1200 personnes, dont 75 % /80 % sont des femmes et dont la moitié finissent sur le bûcher. Cette statue permet à la population de comprendre l’impact des rumeurs, des fausses déclarations en période de peur. De sorcière, Henriette est devenue une icône.

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Les sorcières sont elles terrifiantes ou plutôt féeriques ?

Brigitte Rochelandet répond aux enfants du CM2 de l'école Etienne Dolet

de Alfortville sur France Info  / 31 octobre 2023

Sorcières ?

A l’évocation du terme Sorcières, l’esprit fantasme.
La sorcellerie est un phénomène historique, un héritage antique. Sorciers et sorcières ont toujours œuvré, plus ou moins discrètement, usant d’arts peu conformes à la morale ou contre nature et supposés efficaces mais souvent incompréhensibles. Le pouvoir des sorciers et des sorcières émanait d’une alliance avec des divinités qui exigeaient des sacrifices. Dans l’Antiquité, les populations consultaient sorciers et sorcières avec crainte et respect, sans les condamner.

Homélie des Sorcières, de Caroline Duban & Lawrence Rasson, Elf-Shot éditions, 2018.

Il n’y a pas eu une chasse mais plusieurs, selon les époques et les pays. Suite à la publication du Marteau des sorcières,

 Sorcière (paysanne sur son balai) 

 Le Champion des dames 

de Martin Le Franc, 1451

Le Marteau des Sorcières

Le Marteau des Sorcières

Henry Institoris & Jacques Sprenger

Jérôme Millon éditions. 1993

Mais sur qui, sur quoi porte réellement notre imagination ?

En matière de sorcellerie, il faut s’entendre sur les mots et leur contenu.

D’où vient la sorcellerie ?

La sorcellerie est un phénomène historique, un héritage antique. Sorciers et sorcières ont toujours œuvré, plus ou moins discrètement, usant d’arts peu conformes à la morale ou contre nature et supposés efficaces mais souvent incompréhensibles. Le pouvoir des sorciers et des sorcières émanait d’une alliance avec des divinités qui exigeaient des sacrifices. Dans l’Antiquité, les populations consultaient sorciers et sorcières avec crainte et respect, sans les condamner.

 

Au 13e siècle, quel changement ?

La sorcellerie fut assimilée à un pouvoir surnaturel dû à un pacte avec le diable. Sorciers et sorcières devinrent des hérétiques soumis au diable et utilisés par leur maître afin de nuire ou détruire la Chrétienté. A partir du 14e siècle, en Europe, les serviteurs et servantes de Satan furent persécutés et condamnés au feu, sans que leur sexe ne soit pris en compte. Les autorités religieuses voulaient réprimer les pratiques maléfiques et les superstitions. Peu à peu, les accusées surpassèrent les accusés.

 

Chasse aux sorcières et féminicides ?

Il n’y a pas eu une chasse mais plusieurs, selon les époques et les pays. Suite à la publication du Marteau des sorcières, il semble que l’équation Femme = Sorcière prit de l’ampleur. Nuançons cependant ! Les hommes ne furent pas écartés des bûchers, leur nombre diminua certes, mais ils furent toujours persécutés. D’où la sagesse de ne pas assimiler les procès de sorcellerie à des féminicides, en raison de la présence de victimes masculines.

 

Qui étaient les accusées de sorcellerie ?

Non, les accusées n’étaient pas toutes «  de vieilles paysannes marginales, isolées et guérisseuses ». Certaines étaient jeunes, jolies ou non, mariées, veuves et mères. La sorcière, une guérisseuse ? Pas toujours ! Certaines étaient couturières, domestiques, vigneronnes, blanchisseuses ou poissonnières. Si nombre étaient issues de la campagne, d’autres vivaient en ville et avaient une situation sociale reconnue. Toutes ces femmes étaient parfaitement intégrées dans leur village ou ville. Lors des accusations, les témoins rapportaient des faits survenus depuis des décennies. La chasse aux sorcières ne fut jamais une chasse à l’étrangère. Ces procès furent surtout l’une des plus grande erreur judiciaire doublée d’un complot politico-religieux. Ils font partie des violences faites aux êtres humains.

 

Commet expliquer la fin des procès ?

Science et raison provoquèrent l’évolution des mentalités et firent entrer les sorciers et les sorcières dans le monde de l’impossible. Le diable perdit une part de son influence mais pas de son prestige. En France, l’extinction des procès de sorcellerie s’échelonna entre 1650 et 1682, date d’une ordonnance de Louis XIV interdisant les poursuites. Si la croyance à la sorcellerie a perduré dans les esprits, celle de la sorcière enfourchant son balai ou embrassant Satan fut mise à néant. Une nouvelle ère s’annonçait, celle de des Lumières.

La sorcière, une icône féministe ?

Depuis le 19e siècle, suite aux (fausses) théories (romantiques) de Jules Michelet puis à au cours des années 70, et plus encore aujourd’hui, la créature imaginée ou fantasmée de la sorcière est devenue une icône féministe. Dans ma Sorcière bien aimée, l’héroïne représente une femme puissante aux multiples pouvoirs. A l’heure actuelle, se dire sorcière c’est affirmer sa puissance et sa liberté, c’est assumer sa féminité et sa sexualité. Se dire sorcière c’est participer à la création de cette icône, en croyant l’être, contrairement aux accusées de sorcellerie dont la grande majorité refusaient d’être qualifiées de sorcières. Il ne faut pas confondre accusées de sorcellerie, victimes innocentes, et sorcières, femmes se disant libres.

 

Le phénomène de la chasse aux sorcières est-il élucidé ?

Longtemps dédaigné, l’histoire de la répression de la sorcellerie a réellement débute dans les années 80 grâce à des analyses transdisciplinaires. Mais, le phénomène reste encore bien mystérieux et parfois difficile à comprendre. Pourquoi la répression est-elle survenue, à priori, d’abord en Suisse ? Pourquoi après avoir longtemps refusé de croire à la sorcellerie, l’Eglise a changé d’avis ? Comment expliquer la modération de la France et la fureur du Saint-Empire ou de la Suisse, et les différences régionales de l’Angleterre ? Comment expliquer à certaines dates les 60% voir même 75% de sorciers en Finlande ? Ou les 33% de sorciers en Franche-Comté et seulement les 5% de sorciers dans l’évêché de Bale ? De nombreuses questions méritent de nouvelles recherches pour mieux interpréter un fascinant mais douloureux sujet.

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